«Nous devons apprendre à maîtriser l’intelligence artificielle.»
Sophie Hundertmark est collaboratrice scientifique à l’Institut de prestations financières de Zoug (IFZ), Haute école de Lucerne. Elle a rédigé son mémoire de master sur le thème des robots conversationnels et accompagne également l’expérimentation de ChatGPT d’Helvetia.
Interview Melanie Frei Photos Fabian Biasio, Luzern, Tine Fleischer
Sophie, tu t’intéresses aux chatbots et à l’utilisation de l’intelligence artificielle. Qu’est-ce qui te fascine dans ton domaine de recherche?
J’ai découvert ce thème lorsqu’il m’a été proposé pour mon mémoire de master. Ayant rapidement constaté que ces technologies pouvaient enthousiasmer les gens, j’ai décidé de m’y consacrer. De plus, leur évolution est fascinante. Aujourd’hui, nous menons avec une IA des dialogues qui semblent parfaitement naturels.
Dans quels domaines situes-tu le plus grand potentiel pour l’utilisation de l’IA?
J’ai la conviction que l’automatisation des dialogues avec le client va connaître de grandes évolutions. Pour les assurances, notamment dans l’enregistrement des sinistres et la détection des fraudes. En même temps, les possibilités d’application sont nombreuses à l’intérieur de l’entreprise et sont malgré cela souvent oubliées dans les discussions. Par exemple, un chatbot pourrait être utilisé pour répondre à des questions adressées aux RH. Mais l’IA peut aussi avoir un fort impact dans d’autres secteurs. Par exemple, une IA peut être capable d’établir un diagnostic à partir des symptômes d’une maladie.
En effet, une IA accède à une quantité de connaissances qu’un médecin ne pourrait jamais posséder. Ceci est en même temps un bon exemple des dangers de son utilisation: en tant que profane, je ferais probablement confiance au diagnostic posé par une IA; un spécialiste peut le classer et le vérifier.
Est-ce que le danger est également réel dans le cas de notre expérience? Que l’on se mette à croire tout ce que dit Clara?
Clairement oui. Avec les premiers chatbots, nous avons, en tant qu’utilisateurs, reconnu assez rapidement quelles en étaient les limites. Avec les robots modernes, les réponses paraissent généralement convaincantes.
Dans une interview, tu as récemment déclaré que 80 % des demandes dans les entreprises de services pouvaient être automatisées. Oses-tu faire une prédiction des dates?
Au rythme où vont les choses, cela pourrait être une réalité d’ici deux ou trois ans. Helvetia a réalisé l’extension chez Clara en un mois. On peut alors imaginer ce qu’il est possible de faire en douze mois. Peut-être que dans un an, Clara recommandera déjà des produits.
«De grandes évolutions sont à venir en matière d’automatisation du dialogue client.»
Que dis-tu à ceux qui craignent de perdre leur emploi à cause d’une IA?
Actuellement, l’IA permet en premier lieu d’alléger les tâches. Et cela offre des avantages, par exemple la diminution du délai d’attente pour les appelants. Mais il est certain qu’il y aura à moyen terme un déplacement des emplois vers d’autres secteurs. Il se pourrait alors que l’on voit des collaborateurs et collaboratrices former une IA plutôt qu’un nouveau collègue.
En mars, Elon Musk et Steve Wozniak, cofondateur d’Apple, ont rejoint de nombreux autres experts pour demander un moratoire sur le développement de l’IA. Penses-tu que cette suspension soit nécessaire?
Ils la demandent pour que les gens soient en mesure de s’adapter aux évolutions. Pour ma part, je trouve qu’une règle aussi rigide est problématique; mais il est certain que les experts doivent remporter l’adhésion de la société. Nous devons apprendre à maîtriser l’intelligence artificielle. À cet égard, l’IA est comme Wikipédia: une bonne chose à condition de savoir l’utiliser.
Sophie Hundertmark, experte en matière de robots conversationnels, a accompagné l’expérience ChatGPT d’Helvetia.
Inventions futuristes issues de l’univers du cinéma
Ordinateur de bord
«K 2000», série télévisée des années 1980, montrait une voiture intelligente nommée KITT, qui était contrôlée par un ordinateur de bord doté d’une intelligence artificielle.
Helvetia utilise ChatGPT
Depuis fin mars, Helvetia utilise la technologie de ChatGPT dans le contact direct avec la clientèle: c’est le robot conversationnel Clara qui répond à des questions d’assurance et de prévoyance. Pour ce faire, Clara accède aux informations du site d’Helvetia et ne restitue donc que des contenus qui se trouvent également en ligne. Ce nouveau service est clairement une expérience publique: Helvetia explore ainsi les possibilités et les limites de ChatGPT en collaboration avec ses clientes et clients. Il est également important d’apprendre comment les utilisateurs acceptent le service d’une IA – au final, Helvetia entend se démarquer par rapport à la concurrence, entre autres en simplifiant les accès clients.
Quelles sont les questions posées à Clara? Florian Nägele, responsable Conversational & Marketing Automation, explique:
«Les questions portent souvent sur les avantages des différents produits et modules de couverture. » Il existe en outre une seconde catégorie d’utilisateurs qui veulent avant tout tester les limites de la technologie: ces personnes posent par exemple à Clara des questions philosophiques ou des problèmes de calcul.
L’équipe chargée de paramétrer les contenus du robot a déjà fait un autre constat: le public attend beaucoup d’un robot conversationnel qui utilise l’intelligence artificielle.
Florian Nägele: «Les gens attendent plus d’une IA que lorsqu’ils recherchent des informations sur Google. Ils posent leurs questions comme s’ils étaient en face d’un professionnel. » En fait, il est parfaitement logique que les gens expérimentent encore la technologie. «Nous sommes habitués aux ordinateurs. ChatGPT n’est rien d’autre qu’une machine à reconnaissance vocale qui donne des résultats différents.»
Qu’est-ce que ChatGPT?
ChatGPT est un modèle de langage (Large Language Model, en abrégé LLM) capable d’utiliser de gigantesques quantités de texte et de générer des réponses à partir de cela. ChatGPT s’appuie sur un modèle statistique; celui-ci utilise des calculs de probabilité pour prédire les prochains mots d’une phrase. Il est capable de rédiger des textes qui pourraient avoir été écrits par un être humain. Cependant, comme le modèle ne possède pas de connaissances réelles, mais formule des réponses reposant sur des probabilités, celles-ci peuvent aussi être erronées.
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Casques de réalité virtuelle
Dans le film «Le Cobaye» (1992), des casques de réalité virtuelle permettent aux utilisateurs de s’immerger un monde artificiel interactif.